Le changement, c'est urgent...

On ne sait plus s’il faut les maudire ou les féliciter… Maudire d’œuvrer à la destruction méthodique de toute forme d’espoir à gauche ou bien les féliciter d’accélérer malgré eux la décomposition déjà bien avancée d’une République des partis à bout de souffle.

Force est de constater à la veille des élections régionales que les mêmes causes risquent de produire les mêmes effets : un abstentionnisme complice et un vote Front National massif tout aussi complice. L’abstentionniste est complice malgré lui car c’est sa non prise en compte qui permet à tous et à chacun de se prévaloir de pourcentages qui n’en sont pas ; donnant l’illusion trompeuse que ceux qui nous gouvernent ont toute légitimité à le faire. L’électeur Front National est lui aussi complice (mais pas malgré lui) ; lui le tenant du coup pied au cul devient le pathétique acteur du coup de pied de l’âne car non seulement sa présence massive suffit à nous convaincre que l’urgence n’est pas de changer mais de conserver ce qui peut l’être mais en plus ses attentes identitaires et sécuritaires infusent l’ensemble du système au point que l’apôtre de l’antijeu est déjà maître d’un jeu qu’il était censé exécrer. Ainsi, les caméras sont là avant qu’il ne les installe ; les logements d’urgence sont fermés avant qu’il ne les ferme ; la création contemporaine est mise sur la touche avant même qu’il ne la bannisse.

Et forcément, les naufrages électoraux de la gauche s’enchaînent ; les reculs sociaux et écologiques se multiplient ; la guerre du tous contre tous s’enracine. Nous n’avons donc pas d’autres solutions que de les pousser à changer ; c’est-à-dire de les inviter à œuvrer à leur propre dépassement pour le bien de tous et au final de jouer le rôle historique que tous les partis de gauche ont à un moment ou à un autre revendiqué, à savoir, celui de transformer en profondeur un monde qui n’est plus fondé que sur l’injustice sociale et la déprédation des biens communs au nom de la seule loi du profit.

Pour ce faire, pas de slogans, pas de proclamations ; plus personne n’y croit. Des actes concrets, fondés sur des objectifs politiques concrets et atteignables à court terme ou moyen terme. Et si cette prise de conscience n’avait pas lieu ; alors il faudra se passer d’eux. Sinon, la guerre sociale n’aura plus rien d’une guerre en sourdine ; elle accouchera d’une violence politique à la mesure de la violence économique. Et là, nous n’avons pas tous vocation à jouer les héros ou les martyrs. Autrement dit, le changement, c’est urgent.

Nicolas MARJAULT